"Tu es Cela - Plus proche que proche - Déjà là"
Source : David DUBOIS – 60 expériences de vie intérieure – Editions Almora, Paris, 2017. Pages 79 à 80.
Nous sommes habituellement perdus dans nos pensées, tels des hamsters qui courent toujours plus vite dans leur roue, ne voyant pas le cercle vicieux. Et, même quand nous le voyons, que faire ? On ne compte plus les méthodes pour « faire taire le mental ». Dans une expérience scientifique, on proposait aux gens de rester dix minutes en silence ou de recevoir un choc électrique. La majorité choisissait la douleur du choc. Pourquoi ? Parce que la douleur de subir le bavardage mental est plus grand que celle d’un choc électrique !
Pourtant même dans l’agitation mentale la plus déchaînée, il y a des intervalles. Même dans l’action la plus urgente, la plus versatile, multitâches et déracinée, il y a des instants d’équilibre, des moments intemporels. Nous avons vu l’exemple de la respiration : entre chaque inspir, chaque expir, il y a des instants où le souffle s’immobilise. On peut se donner à ces instants pour calmer le souffle et, indirectement, le mental.
Mais ce dernier a lui-même ses instants de calme : entre deux pensées, comme entre deux mots, il y a un intervalle de présence silencieuse. Explorons ces interludes. La magie de ces entractes, leur puissance et leur intensité, ont le pouvoir de terrasser l’identification au bavardage.
Une fois que l’on sait, avec toute la confiance que procure l’expérience, que la radio est régulièrement et inéluctablement coupée, l’obsession pour le mental diminue, et le bavardage se calme, car ce bavardage se nourrit en partie du désir de le faire taire !
Même quand la radio se remet en route, elle semble de plus en plus ténue, au sein d’un silence de plus en plus vivant. Les intervalles durent plus longtemps. Ils s’approfondissent. La pensée n’est plus le contraire du silence intérieur, mais sa manifestation, comme une vague qui ne menace pas le calme de l’océan, comme une mélodie qui ne jure pas avec le silence.
Cette exploration des intervalles peut-être transposée dans tous les domaines. Entre deux mots sur un clavier. Entre deux feux rouges. Entre deux phrases. Entre deux réunions. Entre veille et sommeil. Entre deux bidules achetés, entre deux scènes, entre deux émotions, entre deux murs, entre le ceci et le cela, entre la réussite et l’échec…
Et finalement, on s’éveille à l’œil du cyclone : l’intervalle éternel toujours disponible, vacant. Qu’est-ce qui nous donne l’énergie de donner ainsi notre attention encore et encore ? L’échec de toute autre méthode, sans doute. La fatigue d’être tiraillé. Alors, au lieu de simplement s’éveiller à ces intervalles, on s’abandonne à ce centre, reconnu et ressenti de tout notre être comme centre de tout et de tous.