Krishnamurti -"Madras, le 29 janvier 1964" dans "A propos de Dieu" .- Le
livre de poche, décembre 2003.- pages 124 à 140.
p.124
[...]Pour comprendre la méditation, pour l'approfondir vraiment, il faut d'abord que nous comprenions le mot et le fait, car nous sommes le plus souvent
esclaves des mots. le mot "méditation" lui même suscite chez la plupart des gens un certain état, une certaine paix, un désir d'obtenir un certain résultat. Mais le mot n'est pas la chose.
Le mot, le symbole, le nom, s'il n'est pas totalement compris est quelque chose de terrible. Il devient un obstacle, il rend l'esprit esclave. Or, en général, lorsque nous agissons, c'est en
fonction de notre réaction par rapport au mot, au symbole, car nous n'avons pas conscience du fait en lui-même.
Nous abordons le fait, ce qui est, avec nos opinions, nos jugements, nos évaluations, nos souvenirs.
Et le fait, ce qui est, jamais nous ne le voyons. Je crois qu'il faut absolument que cela soit clairement compris.
p.125 [...] Sans clarté lucide, on ne peut voir les choses telles qu'elles sont. Or il y a une extraordinaire beautéà voir les choses
telles qu'elles sont- et, non à partir de ses propresopinions, de ses jugements, de ses souvenirs. Il faut voir l'arbre
tel qu'il est, sans la moindre confusion ; et c'est de la même façon qu'il faut voir le reflet du ciel jouant sur l'eau le soir - le voir simplement, sans rien mettre en mots, sans évoquer de
symboles, d'idées, de souvenirs. Il y a en cela une immense beauté. Et la beauté est essentielle. La beauté, c'est notre capacité d'apprécier, notre sensitivité à l'égard de tout ce qui nous
entoure - la nature, les personnes, les idées. En l'absence de sensitivité, point de lucidité. Les deux vont de pair, elles sont synonymes. La lucidité est essentielle si nous voulons comprendre ce
qu'est la méditation.
Un esprit confus, qui s'empêtre dans les idées, les expériences, les appels du désir, n'engendre que le conflit. Et l'esprit qui, lui, veut réellement être en état de méditation, doit avoir
conscience non seulement du monde qui l'entoure, mais aussi du réflexe instinctif qui nous incite à nommer toute expérience, tout état. Et l'acte même de nommer cet état ou cette expérience -quelle
que soit l'expérience, aussi cruelle, réelle ou fausse soit-elle- ne fait que renforcer le souvenir avec lequel nous abordons ensuite les expériences ultérieures. [...]
p.126 Comme nous l'avons dit, la méditation est l'un des choses les plus importantes de la vie - peut-être même la plus importante. Sans
elle, il est impossible de transcender les limites de notre pensée, de notre esprit, de notre cerveau.
Et pour pénétrer au coeur de ce problème de la méditation, il faut commencer par asseoir les fondements de la vertu.
Je ne parle pas ici d'une vertu imposée par la société, par une morale fondée sur la crainte, l'avidité, l'envie, ou la perspective d'une certaine forme de récompense
ou de châtiment. Je parle de la vertu qui vient naturellement, spontanément, facilement, sans conflit, sans résistance, dès lors qu'on se connait soi-même.
Sans cette connaissance de soi, quoi qu'on fasse, l'état de méditation est absolument impossible. J'entends par connaissance de soi "le fait de connaître chacune de vos pensées, de vos paroles,
chacun de vos états d'âme, de vos sentiments, chacune des activités de votre esprit- il ne s'agit pas de connaître l' "Etre Suprême", l'"Etre Supérieur" qui n'existe pas, l'"Etre Suprême", l"Atman"
s'inscrit toujours dans le champ de la pensée. La pensée est le résultat de votre conditionnement, la pensée est responsable de votre mémoire- ancestrale ou immédiate.
Et avoir pour seul projet de méditer sans instaurer d'abord sur des bases fermes, profondes, irrévocables, cette vertu qui découle de la connaissance de soi, est tout à fait illusoire et
parfaitement inutile. Il est très important -sachez le bien- que ceux qui sont sérieusement motivés comprennent tout cela car dans le
cas contraire, il y aura un divorce, une faille, entre votre méditation et votre vie réelle- une faille si profonde que même en méditant sans fin, en prenant d'interminables postures, et ce,
jusqu'à la fin de vos jours, vous ne verrez pas plus loin que le bout de votre nez.
Quelle que soit la posture, quelle que soit la démarche, rien de tout cela n'aura la moindre signification.
p.127 Ainsi, l'esprit désireux de s'enquérir- et j'emploie le terme s'enquérir à dessein- de ce qu'est la méditation, doit s'appuyer sur cette base fondamentale, qui s'instaure
naturellement, spontanément, avec aisance, sans effort, lorsque la connaissance de soi est là.
Et il est également essentiel de comprendre ce qu'est cette connaissance soi, cette simple conscience claire et sans choix du "moi" qui a sa source dans un flot de souvenirs-je vais approfondir
dans un instant ce que j'entends par conscience claire-, le fait d'être seulement conscient de ce "moi", sans rien interpréter, mais en observant simplement les mouvements de l'esprit.
Mais cette observation est entravée lorsqu'on se contente, en guise d'observation, d'accumuler les notions de ce qu'il faut faire ou ne pas faire, ce qu'il faut ambitionner d'atteindre ou pas.
Faire cela équivaut à mettre fin à ce processus vivant qu'est le mouvement de l'esprit prenant forme en moi.
En d'autres termes, je dois observer et voir lucidement le fait dans sa réalité-voir ce qui est. Si je l'aborde avec une idée, une opinion préconçues-telles que des "je ne dois pas" ou des
"je dois", qui sont les réponses de la mémoire-, alors le mouvement de ce qui est est entravé, bloqué ; et donc on n'apprend rien.
Pour observer le mouvement du vent jouant dans l'arbre, il ne faut surtout pas vouloir agir sur lui. Le mouvement peut-être violent ou plein de grâce, de beauté. Vous, l'observateur, vous ne pouvez
pas le maîtriser. Il ne faut absolument pas vouloir l'influencer, ni dire :"je vais le garder présent à mon esprit". Il est là c'est tout. Vous vous en souviendrez peut-être. Mais si vous vous le
rappelez, et que vous évoquiez le souvenir de ce vent là, la prochaine fois que vous regarderez l'arbre, alors ce n'est plus le mouvement naturel du vent dans l'arbre que vous verrez, mais le
souvenir du mouvement passé.
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Par conséquent vous n'apprendrez rien, vous ne ferez qu'ajoutez à ce que vous savez déjà. Le savoir est donc à un certain niveau, un obstacle dans l'accession à un niveau plus avancé.
J'espère que tout cela est très clair. Car ce que nous allons examiner dans un instant suppose d'avoir l'esprit tout à fait clair, capable de regarder, de voir lucidement, sans aucun mouvement de
l'ordre du reconnaître.
Il faut d'abord être très clair, exempt de toute confusion. La clarté est essentielle. J'entends par "clarté" le fait de voir les choses telles qu'elles sont, le fait de voir ce qui est,
sans avancer d'opinion, de voir tout le mouvement de votre esprit, de l'observer très attentivement, avec minutie, avec application, sans motif, sans impératif.
Pour observer, et rien que cela, il faut une clarté, une lucidité stupéfiantes -sinon, il est impossible d'observer. Si vous observez une fourmi en mouvement, en activité, tout en ayant à l'esprit
diverses données biologiques concernant la fourmi, ces connaissances entravent votre regard. Ainsi on commence à discerner immédiatement là où les connaissances sont nécessaires, et là où elles
deviennent une entrave. Il n'y a donc plus de confusion.
Lorsque l'esprit est clair, précis, capable d'un raisonnement profond, fouillé, il est en état de "négation".
Le plus souvent, nous acceptons si facilement les choses, le désir d'être rassurés nous rend si crédules, nous avons une telle soif de sécurité, une telle envie d'espoir, nous voulons tant être
sauvés- par des maîtres, des sauveurs, des gourous, des Rishis, et autres inepties qui vous sont familières !
Nous acceptons les choses volontiers, avec facilité, et nous les renions avec une facilité égale, au gré du climat qui anime votre esprit.
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La "clarté" signifie donc la vision lucide de toutes les choses que chacun a en soi, telles qu'elles sont. Car chacun d'entre nous est une portion du monde, chacun d'entre nous est le mouvement qui
anime le monde, chacun est la manifestation extérieure du mouvement qui continue à l'intérieur- c'est comme le flux et le reflux de la marée.
Si vous vous contentez de vous concentrez sur vous-même, de n'observez que vous, indépendamment du monde, cela vous mène à l'isolement et à toutes formes de singularités, à la névrose, aux peurs
qui isolent, et ainsi de suite.
Mais si vous observez le monde et en suivez le mouvement, en vous laissant porter par lui lorsqu'il s'intériorise, alors la division entre vous et le monde n'existe plus ; alors vous n'êtes plus un
individu opposé à une entité collective.
Et il faut qu'il y ait ce sens de l'observation où l'on explore en même temps que l'on observe, où l'on prend conscience en même temps qu'on écoute. C'est dans ce sens que j'emploie le terme
observer. L'acte même d'observer est acte d'exploration. Mais on ne peut pas observer si l'on n'est pas libre;
Voilà pourquoi, pour explorer, pour observer, la clarté est nécessaire. Pour explorer au plus profond de vous-même, vous devez aborder cette exploration chaque fois avec un esprit neuf.
En d'autres termes, dans cette exploration, jamais il n'a été question d'atteindre un but, de grimper en haut d'une échelle, et jamais on ne dit : "maintenant je sais". Il n'y a pas d'échelle. Si
vous y grimpez, il faut absolument redescendre tout de suite, de sorte que votre esprit soit formidablement sensible pour pouvoir observer, être à l'affût, à l'écoute.
Et c'est de cette observation, de cette écoute, de cette perception, de cette vigilance que vient cette extraordinaire beauté de la vertu.
p. 130 Il n'est d'autre vertu que celle qui est issue de la connaissance de soi. Alors cette vertu, loin d'être une chose morte que vous cultivez, est vigoureuse, active, vitale. Et c'est
elle qui doit être la base fondamentale. Le fondement de la méditation est l'observation, la lucidité et la vertu, au sens où nous l'entendons- pas au sens où l'on fait de la vertu une chose à
cultiver jour après jour, ce qui n'est qu'une forme de résistance.
Nous voyons alors à partir de là, tout ce qu'impliquent les prétendues prières, ou les mantras que l'on répète assis dans un coin, en s'efforçant de fixer son esprit sur un objet particulier, ou
sur un mot ou un symbole-toutes choses qui sont une méditation délibérée.
Soyez attentif, je vous en prie.
Le fait d'adopter délibérément une certaine posture, ou de faire certaines choses de façon délibérée, consciente, en vue de méditer, sous-entend simplement que vous jouez sur le terrain de vos
désirs et de votre conditionnement, par conséquent ce n'est pas de la méditation. On constate à l'observation, que toutes sortes de visions apparaissent à ceux qui méditent : ils voient Krishna, le
Christ, Bouddha, et ils croient tenir là quelque chose. Prenons un chrétien qui a une vision du Christ : le phénomène est très simple, très clair ; il s'agit de la projection de son
conditionnement, de ses peurs, de ses espoirs, de son désir de sécurité. Le chrétien voit le Christ tout comme vous verriez Rama ou votre dieu favori, quel qu'il soit.
Ces visions n'ont rien de remarquable. Elles sont le produit de votre inconscient qui a été ainsi conditionné, ainsi façonné dans la crainte. Lorsque vous êtes relativement calme, il affleure à la
surface avec ses images, ses symboles, ses idées. Les visions, les transes, les images et les idées n'ont donc absolument aucune valeur.
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A l'image de celui qui répète sans arrêt un mantra ou une phrase quelconques, ou un nom. La répétition continue d'un nom a évidemment pour effet d'abrutir l'esprit, de le rendre stupide ; et, à
force de stupidité, il devient calme, silencieux.
Vous pouvez tout aussi bien prendre une drogue pour pacifier votre esprit-de telles drogues existent- et, dans cet état de tranquillité, dans cet état drogué, vous avez des visions. Il va de soi
qu'elles sont le produit de votre société, de votre culture, de vos espoirs et de vos craintes ; elles n'ont absolument rien à voir avec la réalité.
Il en va de même pour les prières. Celui qui prie est semblable à l'homme qui met la main à la poche d'autrui. L'homme d'affaires, l'homme politique et toute cette société de compétition -tous
prient pour la paix ; mais ils font tout pour susciter la guerre, la haine et l'antagonisme. Tout cela est dénué de sens et de rationalité. Votre prière est une supplication, vous demandez quelque
chose que vous n'avez pas le droit de demander -parce que vous n'être pas vivants, vous n'êtes pas vertueux. Vous voulez quelque chose de grand, de pacifique, pour enrichir votre vie, mais vous
faites tout le contraire à des fins destructrices, devenant petits, mesquins, stupides.
Les prières, les visions, la posture assise, là dans un coin, le dos droit, à respirer correctement, les exercices mentaux, tout cela est si immature, si enfantin ; cela n'a pas de sens aux yeux de
celui qui veut comprendre la pleine signification de la méditation.
Celui-là fait fi de toutes ces pratiques : même s'il vient à perdre son emploi, il ne se tourne pas immédiatement vers un petit dieu minable, pour l'aider à trouver un nouvel emploi- c'est pourtant
le jeu que vous jouez tous. Au moindre problème, à la moindre souffrance, vous vous tournez vers le temple, et vous vous prétendez religieux !
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Toutes ces pratiques doivent être complètement, totalement, écartées, afin qu'elles ne vous concernent plus. Si vous en avez fini avec elles, alors nous pouvons progresser dans l'examen global de
cette question de savoir ce qu'est la méditation.
Vous devez faire preuve d'observation, de clarté, de connaissance de soi, et, en raison de tout cela, de vertu.
La vertu est la floraison perpétuelle du bien ; une erreur, de mauvaises actions de votre part sont possibles ; mais s'en est fini d'elles dès lors que vous évoluez, que vous fleurissez dans le
bien, puisque vous vous connaissez vous-mêmes.
Solidement ancrés sur ces bases, vous pouvez désormais renoncer aux prières, aux mots marmonnés à voix basse, aux postures imposées. Et vous pouvez alors commencer à explorer la nature de
l'expérience.
Il est essentiel de comprendre ce qu'est l'expérience car nous en avons tous soif. Notre vie quotidienne est l'occasion d'expériences telles que la routine du bureau, les disputes, la jalousie,
l'envie, la brutalité, la compétition, le sexe. Nous passons par toutes sortes d'expériences dans la vie, jour après jour, consciemment ou inconsciemment.
C'est en surface, et sans beauté, sans aucune profondeur, que nous vivons notre vie, sans qu'il y ait de notre part rien d'inédit, de limpide, rien qui ait la fraîcheur des origines. Nous sommes
tous des êtres humain de seconde main, citant les autres, suivant les autres, aussi creux que des coquilles vides. Et naturellement nous avons soif d'une expérience qui dépasse celle du
quotidien.
Nous cherchons donc cette expérience à travers la méditation, ou en prenant une des dernières drogues en vogue, dont le LSD 25 fait partie. Dès que vous en absorbez, vous avez une sensation de
"mysticisme instantané" -non que j'en aie pris moi-même. (Rires)
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Nous parlons sérieusement. Vous ne faites que rire à la moindre provocation ; vous n'êtes donc pas sérieux, vous ne faites pas cette démarche d'observation de vous-mêmes, pas à pas ; vous ne faites
qu'écouter des mots, vous vous laissez emporter par eux - je vous avais pourtant prévenu du danger dès le début.
Ces drogues, qui ont pour effet un élargissement de la conscience, vous procurent donc momentanément une sensibilité extrême. Et dans cet état de sensibilité exacerbée, vous avez des visions.
L'arbre devient extraordinairement vivant, lumineux et clair, ouvert sur l'immensité. Dans cet état de sensibilité accrue, vous pouvez aussi éprouver une sensation extraordinaire de paix et de
lumière ; il n'y a plus de différence entre vous et la chose que vous observez - vous êtes cette chose, et l'univers tout entier fait partie de vous.
Et vous êtes obnubilé par ces drogues parce que vous avez envie de renouveller l'expérience, vous voulez qu'elle soit encore plus vaste, plus profonde, avec l'espoir que cette expérience donnera
sens à votre vie ; c'est ainsi que vous devenez dépendant.
Et pourtant, quand vous vivez ces expériences, vous ne sortez pas du périmètre de la pensée, du cadre du connu.
Il vous faut donc comprendre cette expérience -à savoir la réponse à un défi, devenue une réaction ; et c'est cette réaction qui modèle votre pensée, votre perception, votre être.
Et vous ajoutez de plus en plus d'expériences les unes aux autres ; vous avez en tête d'en faire de plus en plus. Plus les souvenirs liés à ces expériences sont clairs, plus vous croyez savoir.
Mais si vous observez bien, vous vous apercevez que plus vous savez, plus vous devenez superficiels, creux, vides. Plus vous vous sentez vides, plus grande est l'envie de multiplier et d'élargir
les expériences.
p. 134 Il faut que vous compreniez non seulement tout ce que j'ai dit précédemment, mais aussi cette formidable soif d'expérience. A présent, nous pouvons pousser plus avant.
Tout esprit qui est en quête d'expérience, quelle qu'en soit la nature, reste inscrit dans le champ du temps, dans le champ du connu, dans le champ de ses propres désirs tels qu'ils se
projettent. Comme je l'ai dit au début de cette causerie, toute méditation délibérée ne mène qu'à l'illusion. Et pourtant la méditation est une nécessité.
Méditer de propos délibéré ne vous mène qu'à diverses formes d'auto-hypnose, ou d'expériences qui sont une projection de vos propres désirs, de votre conditionnement ; et ces désirs, ces
conditionnements, modèlent votre esprit, contrôlent votre pensée.
Voilà pourquoi celui qui veut vraiment comprendre la signification profonde de la méditation doit comprendre la signification de l'expérience ; son esprit doit être aussi libre de toute quête.
C'est très difficile. Je vais approfondir tout cela dans un instant.
Ayant ainsi posé comme base fondamentale cette attitude, adoptée naturellement, aisément, spontanément, nous devons ensuite découvrir ce que signifie contrôler la pensée. Parce que c'est cela que
vous cherchez : mieux vous savez contrôler la pensée, plus vous vous croyez être avancés dans le domaine de la méditation. Pour moi toute forme de contrôle, d'ordre physique, intellectuel, ou
émotionnel est néfaste. Ecoutez très attentivement. Ne dites pas : "Dans ce cas, je peux faire ce qui me plaît". Car je ne dis pas cela. Contrôler implique d'assujettir, d'étouffer, d'adapter, de
façonner la pensée en fonction d'un modèle particulier -ce qui sous-entend que le modèle a plus d'importance que la découverte de la vérité.
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Tout contrôle, quelle qu'en soit la forme - résistance, refoulement ou sublimation -, façonne l'esprit de plus en plus à l'image du passé, en accord avec le conditionnement dans
lequel on vous a élevés, ou selon le conditionnement propre à une communauté particulière, et ainsi de suite.
Il est indispensable de comprendre ce qu'est la méditation. Soyez maintenant très attentifs.
Je ne sais si vous avez déjà effectué ce genre de méditation, sans doute pas, mais vous allez le faire à présent avec moi. Nous allons entreprendre ensemble un voyage qui ne sera pas verbal, mais
réel, et que nous allons poursuivre jusqu'au bout, jusqu'aux ultimes limites de la communication verbale.
Comme si nous allions ensemble jusqu'au seuil de la porte : après, soit vous franchissez le seuil, soit vous vous arrêtez de ce côté-ci de la porte.
Vous resterez bloqués de ce côté si vous n'avez pas effectivement, réellement fait tout ce qui a été indiqué- et ce, non parce que l'orateur l'a demandé, mais parce que c'est une attitude saine,
sensée, raisonnable, et dont la validité est à toute épreuve.
[Le passage qui suit m'intéresse tout particulièrement jusqu'à la fin, page 140 ! ]
Nous allons donc méditer ensemble-pas méditer délibérément, car cela n'existe pas. Comme lorsqu'on laisse la fenêtre ouverte et que l'air entre à sa guise, la méditation c'est tout ce que l'air
apporte, c'est tout ce qu'est le vent. Mais si vous êtes aux aguets, si vous attendez que le vent s'engouffre par la fenêtre parce que vous l'avez ouverte, jamais le vent ne viendra. Il faut
qu'elle soit ouverte par amour, par affection, en toute liberté, et pas dans l'attente de quelque chose. Et voilà ce qu'est cet état de beauté, cet état de l'esprit qui voit mais ne demande
rien.
Avoir pleinement conscience des choses est un état d'esprit extraordinaire -avoir conscience de son environnement, des arbres, de l'oiseau qui chante, du soleil couchant, là derrière vous ; être
attentif aux visages, aux sourires, à la boue qui couvre la route ; percevoir la beauté de ce pays, d'un palmier se détachant sur la rougeur du couchant, du friselis de l'eau-, avoir de toute chose
une conscience sans choix.
p.136
C'est ce que je vous invite à faire en chemin. Ecoutez ces oiseaux ; ne cherchez pas à les nommer, à identifier l'espèce, écoutez simplement leurs bruits.
Ecoutez le mouvement de vos pensées ; ne les contrôlez pas, ne les façonnez pas, ne dites pas : "Celle-ci est bonne, celle-là est mauvaise." Mais accompagnez-en le mouvement. C'est cela la
conscience dénué de tout choix, de toute condamnation, comparaison ou interprétation, et qui n'est qu' observation. Voilà qui rend l'esprit hautement sensitif. Mais dès que vous nommez, vous
régresser, votre esprit s'émousse, parce que vous êtes retombés dans l'habitude.
Dans cet état de vigilance, il y a attention- mais point de contrôle ni de concentration. Rien que l'attention. Autrement dit, vous êtes dans un même temps en train d'écouter les oiseaux, de voir
le soleil se coucher, d'entendre passer les voitures, d'écouter l'orateur, de prêter attention au sens des mots, d'être attentifs à vos pensées et à vos sentiments, et au mouvement dont est animée
cette attention. Votre attention est globale, sans limites, et couvre non seulement le conscient, mais aussi l'inconscient. l'inconscient est le plus important ; il faut donc que vous
l'exploriez.
Je n'emploie pas le terme d'inconscient au sens d'une technique, ou dans une acceptation technique. Je ne l'utilise pas au sens où l'entendent les psychologues, mais pour désigner tout ce
dont on n'a pas conscience. Car nous vivons, dans la plupart des cas, en n'effleurant que la surface de l'esprit : nous allons au bureau, nous acquérons des connaissances ou une technique, nous
nous querellons, et ainsi de suite. Jamais nous ne prêtons attention aux couches profondes de notre être, qui sont le résultat de l'influence de notre communauté, de l'influence résiduelle de la
race, et de tout le passé- non seulement votre passé en tant qu'être humain, mais aussi celui de l'humanité, lourd de toutes les angoisses de l'humanité.
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Lorsque vous dormez, tout cela se projette sous forme de rêves, et il y a ensuite l'interprétation qu'on en fait. Les rêves deviennent totalement superflus pour l'homme qui est éveillé,
alerte, à l'affût, à l'écoute, vigilant, attentif.
Or cette attention requiert une énergie énorme, et qui n'est pas celle que l'on accumule par une pratique, ni par le célibat et autres choses du même ordre -car cette énergie là relève de
l'avidité. Je parle de l'énergie liée à la connaissance de soi. Parce que vous avez établi les fondements adéquats, il en découle l'énergie qui permet d'être attentif, sans mettre en jeu le moindre
élément de concentration.
La concentration, c'est l'exclusion -vous voulez écouter cette musique [qui monte d'une rue voisine] et vous voulez entendre ce que dit l'orateur, vous résister donc à cette musique pour écouter
l'orateur : votre attention est de ce fait divisée.
Une part de votre énergie vous sert à résister à la musique, et une autre à essayer d'écouter : votre écoute n'est donc pas totale, vous n'êtes donc pas attentifs. Donc, vous vous concentrez, vous
ne faites rien d'autre que résister, exclure.
Alors qu'un esprit attentif peut se concentrer sans être exclusif.
Cette attention a donc pour effet de calmer le cerveau. Les cellules du cerveau elles-mêmes sont calmes-sans que ce calme soit induit par une discipline, une contrainte, un conditionnement
brutal.
Mais puisque toute cette attention est née spontanément, naturellement, sans effort, facilement, les cellules cérébrales ne sont pas perverties, ni endurcies, ni dépouillées de leur finesse, ni
brutalisées.
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J'espère que vous suivez tout cela. Les cellules même du cerveau doivent être dotées d'une sensibilité, d'une vivacité, d'une vigueur extrêmes, et non endurcies, rebattues, surmenées, ni
spécialisées dans un domaine spécifique du savoir, car sans cette extraordinaire sensitivité, il leur est impossible d'être calmes. Il faut donc que le cerveau soit calme, tranquille, tout en
restant sensible à la moindre réaction, attentif à la moindre musique, aux bruits, aux oiseaux, il doit être à l'écoute de ces paroles, tout en contemplant le soleil- sans aucune pression, sans
aucune contrainte, sans aucune influence. Le cerveau doit être très calme et silencieux car, sans cette tranquillité- qui n'est induite par rien d'artificiel-, il ne peut y avoir de lucidité, de
clarté.
Et la clarté ne peut advenir que si il y a de l'espace. Il s'ouvre un espace dès que le cerveau est parfaitement calme tout en étant extrèmement sensible, et non émoussé. Voilà pourquoi ce que vous
faites tout au long de la journée est très important. Tout concourt à l'abrutissement du cerveau : les circonstances, le contexte social, l'emploi que l'on occupe, la spécialisation, trente ou
quarante ans de vie de bureau, la routine brutale qui use jusqu'à l'épuisement- tout cela concourt à la destruction de l'extraordinaire sensibilité du cerveau. Or le cerveau doit être calme.
A partir de là, l'esprit tout entier, dans lequel est inclus le cerveau, est capable d'être parfaitement immobile, tranquille.
Cet esprit immobile ne recherche plus rien, n'est plus en attente d'une expérience ; aucune expérience ne le concerne plus.
J'espère que vous comprenez tout cela. Peut-être n'est-ce pas le cas. Peu importe, écoutez simplement. Ne vous laissez pas hypnotiser par moi, mais prêtez l'oreille à la vérité de mes propos.
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Et peut-être alors, plus tard, lorsque vous marcherez dans la rue, ou que vous regarderez, par la vitre d'un bus, un fleuve, ou le vert intense d'une rizière, tout resurgira sans que vous
le sachiez, comme les effluves d'une contrée lointaine.
Ainsi, l'esprit devient alors parfaitement tranquille, sans aucune espèce d'influence, de contrainte. Cette tranquillité n'émane pas de la pensée, car la pensée a cessé, tout le mécanisme de la
pensée est parvenu à son terme.
La pensée doit impérativement cesser, sinon elle produira d'autres images, d'autres idées, d'autres illusions- toujours et encore.
Il faut donc comprendre tout ce mécanisme de la pensée- et non vouloir une recette pour cesser de penser. Si vous comprenez l'ensemble du mécanisme de la pensée, qui est une réponse du souvenir, un
processus d'association et de reconnaissance, lié au fait de nommer, comparer et juger- si vous le comprenez, ce processus prend fin naturellement.
Lorsque l'esprit est totalement tranquille, alors de cette tranquillité et au sein de cette tranquillité surgit un tout autre mouvement.
Ce mouvement n'est pas un mouvement issu de la pensée, de la société, des lectures que vous avez faites ou non. Ce mouvement ne procède pas du temps ni de l'expérience, car il est étranger à
l'expérience. Pour l'esprit tranquille, il n'est plus aucune expérience. Une lumière éclatante, qui brille fort, ne demande rien d'autre, elle se suffit à elle-même. Ce mouvement n'est orienté dans
aucune direction, car toute orientation implique le temps.
Ce mouvement n'a pas de cause, car tout ce qui a une cause produit un effet, qui a son tour devient une cause, et ainsi de suite - c'est l'interminable succession des causes et des effets. Il n'y a
donc ni effet, ni cause, ni motif, ni expérience vécue. Parce que l'esprit est tout à fait tranquille, de manière naturelle, et parce que vous avez établi des bases stables, l'esprit est en prise
directe avec la vie, il n'est plus coupé de la vie quotidienne.
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Si l'esprit parvient jusque-là, ce mouvement se fait création. Il n'y a alors plus d'angoisse à exprimer, car un esprit qui est en état de création peut indifféremment s'exprimer ou non.
L'état d'esprit qui est là, dans ce silence total, va s'animer, bouger ; il a son propre mouvement qui pénètre au coeur de l'inconnu, au coeur de cela même que l'on ne peut nommer.
La méditation que vous pratiquez n'a donc rien à voir avec celle dont nous parlons ici. Cette méditation-là part de l'éternel et rejoint l'éternel, car le fondement sur lequel on s'appuie n'est
plus le temps, mais la réalité. Phrases qui m'importent puis Notes perso en vue d'en extraire un résumé, les idées
principales... [en cours]
Pour être en état de méditation :
Lucidité et clarté d'esprit:
Voir les choses telles qu'elles sont sans opinion sans jugement sans souvenir.
(Avoir conscience du monde du monde qui nous entoure et du réflexe instinctif qui nous incite à nommer toute expérience, tout état. Cet acte de nommer renforce le souvenir avec lequel nous abordons
les expériences ultérieures.)
La connaissance de soi : le fait de connaître chacune de nos pensées, de nos paroles, de nos états d'âmes, de nos sentiments, chacune des activités de notre esprit. Mais ne pas interpréter,
observer simplement les mouvements de l'esprit. Ne pas essayer d'accumuler un quelconque savoir quant à cette observation, juste voir.
La vertu qui découle de la connaissance de soi : [...] la vertu qui vient naturellement, spontanément, facilement, sans conflit, sans résistance, dès lors qu'on se connait
soi-même." "la vertu n'est pas une chose à cultiver jour après jour" S'observer soi en lien avec le monde "Chacun d'entre nous est une portion du monde, chacun d'entre nous est le mouvement qui anime le monde,
chacun est la manifestation extérieure du mouvement qui continue à l'intérieur- c'est comme le flux et le reflux de la marée. Si vous vous contentez de vous concentrez sur vous-même, de n'observez que vous, indépendamment du monde, cela vous mène à l'isolement et à toutes formes de
singularités, à la névrose, aux peurs qui isolent, et ainsi de suite. Mais si vous observez le monde et en suivez le mouvement, en vous laissant porter par lui lorsqu'il s'intériorise, alors la division entre vous et le monde n'existe
plus ; alors vous n'êtes plus un individu opposé à une entité collective."
Observer : prendre conscience en même temps que l'on écoute
Etre neuf, être libre d'hier, être libre de but, d'objectif, de
quête, d'attente "jamais on ne dit : "maintenant je sais". Il n'y a pas d'échelle. Si vous y grimpez, il faut absolument
redescendre tout de suite, de sorte que votre esprit soit formidablement sensible pour pouvoir observer, être à l'affût, à l'écoute."
Sans posture (cents postures ?)
"Le fait d'adopter délibérément une certaine posture, ou de faire certaines choses de façon
délibérée, consciente, en vue de méditer, sous-entend simplement que vous jouez sur le terrain de vos désirs et de votre conditionnement, par conséquent ce n'est pas de la
méditation." "Les prières, les visions, la posture assise, là dans un coin, le dos droit, à respirer correctement, les exercices mentaux, tout cela est si immature, si
enfantin ; cela n'a pas de sens aux yeux de celui qui veut comprendre la pleine signification de la méditation."
"Au moindre problème, à la moindre souffrance, vous vous tournez vers le temple, et vous vous prétendez religieux !" Toutes ces pratiques doivent être complètement, totalement, écartées, afin qu'elles ne vous concernent
plus.
La vertu est la floraison perpétuelle du bien ;une erreur, de mauvaises
actions de votre part sont possibles ; mais s'en est fini d'elles dès lors que vous évoluez, que vous fleurissez dans le bien, puisque vous vous connaissez vous-mêmes. Solidement ancrés sur ces bases, vous pouvez désormais renoncer aux prières, aux mots marmonnés à voix basse, aux postures imposées. Et vous pouvez alors commencer à
explorer la nature de l'expérience.
Ce que signifie contrôler la pensée - Ne pas contrôler la pensée - Ce qui ne signifie pas : "ne rien
faire"
Parce que c'est cela que vous cherchez : mieux vous savez contrôler la pensée, plus vous vous croyez être avancés dans le domaine de la méditation. Pour moi toute forme de contrôle, d'ordre
physique, intellectuel, ou émotionnel est néfaste. Ecoutez très attentivement. Ne dites pas : "Dans ce cas, je peux faire ce qui me plaît". Car je ne dis pas cela. Contrôler implique d'assujettir,
d'étouffer, d'adapter, de façonner la pensée en fonction d'un modèle particulier -ce qui sous-entend que le modèle a plus d'importance que la découverte de la vérité.
Tout contrôle, quelle qu'en soit la forme - résistance, refoulement ou sublimation -, façonne l'esprit de plus en plus à l'image du passé, en accord avec le
conditionnement dans lequel on vous a élevés, ou selon le conditionnement propre à une communauté particulière, et ainsi de suite.
Bel extrait ! : Etre conscient sans attente Comme lorsqu'on laisse la fenêtre ouverte et que l'air entre à sa guise, la méditation c'est tout ce que
l'air apporte, c'est tout ce qu'est le vent. Mais si vous êtes aux aguets, si vous attendez que le vent s'engouffre par la fenêtre parce que vous l'avez ouverte, jamais le vent ne viendra. Il faut
qu'elle soit ouverte par amour, par affection, en toute liberté, et pas dans l'attente de quelque chose. Et voilà ce qu'est cet état de beauté, cet état de l'esprit qui voit mais ne demande
rien.
Observer "écouter " sans nommer, sans contrôler, sans juger, sans comparer, sans interpréter : Ecoutez ces oiseaux ; ne cherchez pas à les nommer, à identifier l'espèce, écoutez simplement leurs bruits.
Ecoutez le mouvement de vos pensées ; ne les contrôlez pas, ne les façonnez pas, ne dites pas : "Celle-ci est bonne, celle-là est mauvaise." Mais accompagnez-en le mouvement. C'est cela la
conscience dénué de tout choix, de toute condamnation, comparaison ou interprétation, et qui n'est qu' observation. Voilà qui rend l'esprit hautement sensitif. Mais dès que vous nommez, vous
régressez, votre esprit s'émousse, parce que vous êtes retombés dans l'habitude.
Dans cet état de vigilance, il y a attention- mais point de contrôle ni de concentration. Rien que l'attention.
Autrement dit, vous êtes dans un même temps en train d'écouter les oiseaux, de voir le soleil se coucher, d'entendre passer les voitures, d'écouter l'orateur, de prêter attention au sens des mots,
d'être attentifs à vos pensées et à vos sentiments, et au mouvement dont est animée cette attention.
Cette attention globale "couvre non seulement le conscient, mais aussi l'inconscient. l'inconscient est le plus important ; il faut donc que vous l'exploriez."
Je n'emploie pas le terme d'inconscient au sens d'une technique, ou dans une acceptation technique. Je ne l'utilise pas au sens où l'entendent les psychologues, mais pour désigner
tout ce dont on n'a pas conscience. Car nous vivons, dans la plupart des cas, en n'effleurant que la surface de l'esprit : nous allons au bureau, nous acquérons des connaissances ou une technique,
nous nous querellons, et ainsi de suite. Jamais nous ne prêtons attention aux couches profondes de notre être, qui sont le résultat de l'influence de notre communauté, de l'influence résiduelle de
la race, et de tout le passé- non seulement votre passé en tant qu'être humain, mais aussi celui de l'humanité, lourd de toutes les angoisses de l'humanité. Alors qu'un esprit attentif peut se concentrer sans être exclusif.
Les conséquences de cette attention naturelle et globale : - calmer le cerveau et ces cellules.
"Mais puisque toute cette attention est née spontanément, naturellement, sans effort, facilement, les cellules cérébrales ne sont pas perverties, ni endurcies, ni dépouillées de leur finesse, ni
brutalisées."
- la lucidité et la clarté
- l'ouverture d'un espace
- une tranquillité qui n'émane pas de la pensée
"La pensée doit impérativement cesser, sinon elle produira d'autres images, d'autres idées, d'autres illusions- toujours et encore."
Il faut donc comprendre tout ce mécanisme de la pensée- et non vouloir une recette pour cesser de penser.
Si vous comprenez l'ensemble du mécanisme de la pensée, qui est une réponse du souvenir, un processus d'association et de reconnaissance, lié au fait de nommer, comparer et juger- si vous le
comprenez, ce processus prend fin naturellement.
Lorsque l'esprit est totalement tranquille, alors de cette tranquillité et au sein de cette tranquillité surgit un tout autre mouvement. Ce mouvement n'est pas un mouvement issu de la pensée, de la société, des lectures que vous avez faites ou non. Ce mouvement ne procède pas du temps ni de
l'expérience, car il est étranger à l'expérience. Pour l'esprit tranquille, il n'est plus aucune expérience. Une lumière éclatante, qui brille fort, ne demande rien d'autre, elle se suffit à
elle-même. Ce mouvement n'est orienté dans aucune direction, car toute orientation implique le temps.
Ce mouvement n'a pas de cause, car tout ce qui a une cause produit un effet, qui a son tour devient une cause, et ainsi de suite - c'est l'interminable succession des causes et des effets. Il n'y a
donc ni effet, ni cause, ni motif, ni expérience vécue. Parce que l'esprit est tout à fait tranquille, de manière naturelle, et parce que vous avez établi des bases stables, l'esprit est en prise
directe avec la vie, il n'est plus coupé de la vie quotidienne.
Si l'esprit parvient jusque-là, ce mouvement se fait création. Il n'y a alors plus d'angoisse à exprimer, car un esprit qui est en état de création peut
indifféremment s'exprimer ou non.
L'état d'esprit qui est là, dans ce silence total, va s'animer, bouger ; il a son propre mouvement qui pénètre au coeur de l'inconnu, au coeur de cela même que l'on ne peut nommer.
La méditation que vous pratiquez n'a donc rien à voir avec celle dont nous parlons ici. Cette méditation-là part de l'éternel et rejoint l'éternel, car le fondement sur lequel on s'appuie n'est
plus le temps, mais la réalité.